Numéro 1 - Un peu d'Histoire Le féminisme, c'est quoi ?« Je n'ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c'est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson. » Rebecca West, 1913Lorsqu'on parle de féminisme à une personne « non-avertie », bien souvent c'est pris pour du machisme inversé, or ça n'a rien à voir... le féminisme n'est pas né d'hier ni de mai 68, mais de bien avant ! Nos grand-mères et arrière-grands-mères se sont battues. Et sans elles nous n'aurions aujourd'hui pas le droit de voter, d'avoir un compte, d'avorter, de travailler, de faire des études...On repère, tout au long de l'histoire, des femmes qui ont réclamé des droits égaux à ceux des hommes, comme Olympe de Gouges, lors de la révolution française, ou encore Louise Michel. Olympe de Gouges a écrit en son temps « La Déclaration du droit de la femme et de la citoyenne », revendiquant la pleine participation des femmes à la vie politique1.En France, c'est à partir de 1880 que les premiers groupes féministes s'organisent, notamment les suffragistes, qui exigent le droit de vote et d'éligibilité. Au même moment, d'autres revendications similaires se multiplient aux États-Unis et au Royaume-Uni2. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les modes d'actions et tendances politiques se multiplient : les radicales, (dites les «suffragettes», anticléricales, prônant l'action directe illégale, telle Madeleine Pelletier), les réformistes, plutôt légalistes, et les modérées catholiques, de droite. Les féministes radicales demandaient déjà plus que le droit de vote : le droit à l'éducation et « à travail égal, salaire égal ». En France, c'est au bout de soixante années de lutte que le projet de loi sur le vote des femmes est adopté (en 1944), alors que d'autres pays l'ont accordé bien avant, comme la Suède en 1718 , et le Sri Lanka en 1931... C’est avec la contestation de mai 68 que de nouveaux groupes féministes émergent, remettant en question de manière globale la domination masculine, et affirmant : « le privé est politique ». Dès 1971, les féministes luttent de manière offensive pour la libération de l’avortement et des contraceptions : des femmes, dont des lesbiennes, de plus en plus nombreuses revendiquent que leur corps leur appartient, qu’elles auront des enfants si elles le veulent et quand elles le veulent. Elles s’auto-organisent, multiplient les actions publiques et pratiquent elles-mêmes les avortements, bravant la loi, jusqu’à faire plier le gouvernement, en 1975. Elles révolutionnent la sexualité, revendiquant le droit au plaisir féminin et au contrôle de la fécondité. Elles dénoncent les violences faites aux femmes, notamment dans le couple hétérosexuel. Dans les groupes de discussion non-mixtes de femmes, elles font l’analyse du système qui les opprime : le patriarcat. Elles démontrent que les différences et inégalités entre les sexes, en faveur des hommes, sont dues à l'éducation, au formatage social. À l’image des Blacks Panthers aux USA, les féministes des années 1970 dénoncent le fait que les postes de pouvoir, politiques, économiques et culturels, sont tous occupés par des hommes, blancs et issus des classes fortunées. Pour ces deux mouvements, l’objectif n’est pas d’acquérir ces postes de pouvoir, mais de renverser l’ordre social. Dans les années 1980, les groupes féministes autogérés se réduisent, au profit d’un féminisme, plus institutionnel.Aujourd'hui encore le féminisme perdure, car malheureusement les droits des femmes sont bafoués, que ce soit avec la remise en cause de l'avortement en Espagne, ou son interdiction dans de nombreux pays (plus de 60 !) ; les salaires inégaux et la précarité des femmes (avec double peine lorsqu'il s'agit de femmes réfugiées, sans-papiers, voilées, Roms...) ; les violences commises envers les femmes, trans et lesbiennes... Le sexisme est encore bien présent partout dans le monde.Aujourd'hui comme hier, il n'existe pas UN féminisme mais DES féminismes, et par conséquent des désaccords politiques au sein même du mouvement, par exemple sur la question du voile, de la prostitution, de la laïcité, de la parité, etc. Parmi ces différents courants en France, on trouve les féministes libérales, les socialistes, les radicales ou matérialistes, les différentialistes ou essentialistes, les pro-sexe ou encore les féministes de droite... Si le féminisme est bien vivant en Europe, de très fortes luttes ont lieu actuellement en Inde (par exemple contre le viol) ou encore en Afrique (contre l’excision) : le féminisme est loin d’être une invention occidentale, il est présent partout où les femmes sont prises pour des paillassons !Coco & HélèneIncendie de l'église de Londres par des suffragettes, le 7 mai 19131. Voir la BD Olympe de Gouges de Catel et Bocquet, éd. Casterman.2. Voir le documentaire sur les suffragettes anglaises.