Gargarismes

Numéro 1 - Des pères verts de rage

Un père qui nage de Quiberon à Belle-Île. Des grues occupées à Nantes et à Rennes, un pylône à Ploufragan. Aucun doute : comme ailleurs en France, la Bretagne est touchée depuis février 2013 par ce que certains nomment le « mouvement des pères ». A bien y regarder, on a du mal à comprendre en quoi ce mouvement représenterait tous les pères...  

Les hommes mobilisés sont bien peu nombreux à manifester. Ainsi à Rennes, en avril 2013, à l’appel de 10 collectifs, seulement 8 personnes sont présentes pour un rassemblement place de la Mairie. Et pourtant, une telle équipe bénéficie d'un article dans Ouest-France ! En fait, ce sont souvent les mêmes qui vont de ville en ville. Par exemple, on retrouve des proches de l’association rennaise I Comme Identité (I.C.I.) à Rennes en mai, puis à Paris, à Saint-Brieuc et à Saint-Malo en juin. Aux côtés de SOS Papa, I.C.I. est une association qui milite depuis de nombreuses années contre le féminisme et « les injustices subies par les pères ». L'association a repris du poil de la bête ces derniers mois grâce à la compassion sélective des médias qui ont diffusé leurs revendications souvent sans aucun regard critique. A Rennes comme ailleurs, chaque mobilisation, même mineure, a reçu un appui dans les colonnes et les reportages effectués. Ouest-France fait bien sûr partie du lot, mais aussi RennesTV et le Mensuel de Rennes, des médias « indépendants » qui nous avaient habitué à mieux.

I comme inexact

Il suffit pourtant de gratter un peu pour découvrir qui est mobilisé dans ces manifestations : ici un harcèlement collectif d'une ex-épouse, ici une condamnation pour soustraction d'enfant (en clair, kidnapping), là une condamnation pour violences conjugales ou, là encore, une mise en examen pour agression sexuelle. Rien que ça !

Autant de comportements qui relèvent davantage du mâle dominant que du doux agneau, contrairement à ce qu'aimeraient faire croire les mobilisés, criant à l'injustice contre tout un système. Certains nous bassinent même sur les « nouveaux pères » qui participeraient activement à toutes les tâches ménagères, y compris dans l’éducation des enfants. Sur le sujet, mieux vaut revoir la copie : la répartition des tâches entre femme et homme n’a quasiment pas changé en 25 ans !

En fait, décortiquer les arguments avancés par ces pères, comme dans le livre Au tribunal des couples (éditions Odile Jacob), fait tomber les masques et relativise les affirmations.

Les hommes mobilisés se plaignent que la justice ne donne pas la garde des enfants aux pères ? Encore faudrait-il qu'ils la réclament : 1 père sur 3 en fait la demande, et parmi eux 7 sur 8 l'obtiennent.

Et, alors que 93 % des pères sont satisfaits des décisions de justice concernant la garde des enfants, ces quelques pères souhaitent généraliser « la résidence alternée imposée ». Voilà une proposition utile, surtout lorsqu'on souhaite garder le contrôle sur les femmes et les enfants, et faire perdurer des violences, tout en étant assuré de ne pas avoir de pension alimentaire à payer.

Rappelons par ailleurs que 40 % des pensions dues par les pères ne sont que peu ou pas versées, alors même que les femmes gagnent encore et toujours moins que les hommes (26% en moyenne, tous emplois confondus).

Un autre argument avancé par ces pères mobilisés pour faire valoir leur droit de possession des enfants est le Syndrome d'Aliénation Parentale (SAP). Il s'agirait d'un trouble psychologique soi-disant présent chez l'enfant qui, aidé par un parent manipulateur – la mère dans 90 % des cas, bien entendu – dénigre et déteste l'autre parent – le pauvre papa, bien sûr. Les défenseurs du SAP oublient de dire que ce concept n'a jamais été reconnu par la communauté médicale et scientifique ; et que son inventeur, Richard Gardner, a par ailleurs le bon goût d'être très tolérant vis-à-vis de la pédocriminalité... Un hasard ?

En définitive, derrière une façade médiatique qui revendique le droit à l'enfant, c'est bien un discours de haine qui est répété. Critiquant « ces femmes qui nous gouvernent » et un « sexisme inversé », affichant parfois son soutien à la Manif' pour tous, le mouvement des pères déroule un argumentaire misogyne, parfois homophobe, et définitivement contre l'égalité défendue par les féministes.

On résume : dans une société faite majoritairement par les hommes et donc surtout pour les hommes, quelques irréductibles ont découvert un étonnant pot-aux-roses : ce serait en fait les femmes qui dominent et bénéficient du système.

Sacrée logique !
Pierrôt & Yeun